Les monstres n'existent pas
Synopsis détaillé :
Chez les Anciens, le monstrum définit ce qui, par essence, déroge à l’état de nature. Son étymologie même le rattache à ce qui est ainsi désigné, justement parce que le monstre est caché aux yeux des hommes (monstrare). Elle rappelle aussi qu’il détient en lui-même des pouvoirs mystérieux et puissants (monere) et qu’il est forcément lié à la notion de danger : s’il n’existe pas, c’est justement parce qu’il est dangereux pour l’ordre établi ; s’il existe, il devient alors le danger que l’on redoutait et qu’il convient en quelque sorte d’exorciser.
Comme la réalité ne correspond pas forcément à la vérité, cela ne voudrait-il pas dire que le monstre réside dans cette part d’inconnu qui échappe à la compréhension de l’homme et que sa raison cherche constamment à réduire, quelle qu’en soit sa nature, évoluant en même temps que lui dans ce monde ?
Alors les monstres n’existent-ils pas ?
Peut-être… peut-être pas !
Recueil de nouvelles d'horreur-épouvante
Sortie 2022 (300 pages)
Finaliste du prix Boccace 2023
Explications supplémentaires :
Je me propose d’étudier la figure du monstre à travers sept nouvelles abordant ce thème de manière variée, dans une approche horreur/épouvante, parfois fantastique et psychologique. J’essaie à chaque fois de mettre en scène le monstrueux de manière particulière, au sein de laquelle la réflexion et l’ambiance, les sentiments, sont exacerbés.
Ce recueil de nouvelles est précédé d'un prologue explicitant la figure du monstre d'un point de vue scientifique, synthèse d'une conférence que j'avais tenue sur le sujet en 2019.
Chroniques :
Fildiane (26/05/2022)
" C’est très efficace, j’étais super mal à l’aise… "
Commentaires de lecteurs :
Le site de mon éditeur (tout en bas)
Extrait choisi de l'ouvrage :
Cela faisait plus de vingt minutes qu'il roulait et une épaisse brume s’était levée : une sorte de brouillard compact qui ne lui disait rien qui vaille. Au-dessus de lui, le ciel s’était à présent considérablement couvert. De la neige était à prévoir.
Il avait prudemment ralenti son allure, de sorte qu’il roulait à présent à moins de soixante kilomètres à l’heure. Un peu de buée avait attaqué le pare-brise, repoussée tant bien que mal par le souffle du ventilateur.
Il se serait bien pris une tasse de café s’il avait pu. Il ne se sentait pas somnolent, mais ses paupières vacillaient de temps à autre. C’étaient en fait ses yeux qui brûlaient, ce qui l’encourageait à vouloir les fermer, ne serait-ce qu’une rapide seconde.
Un œil à l’horloge sur le tableau de bord : 21h45.
Il n’est pas tard pourtant, je me demande si…
— Nom de Dieu ! jura-t-il soudainement.
Il donna un coup de volant et l’automobile dévia vers le centre de la route avant de continuer son chemin vers le bas-côté, jusqu’à ce qu’il eût le réflexe de la redresser. Les roues du véhicule crissèrent sur le macadam et celui-ci fit presque un quart de tour avant de s’arrêter, dans un dernier bruit de roues.
Évan prit quelques secondes pour se remettre de la situation : il avait frôlé la catastrophe !
Il avait cru apercevoir quelque chose dans la lumière de ses phares. Une forme assez chétive, sur le bord de la route, qui était restée immobile, sûrement en raison de la lumière.
Un animal, à tous les coups ! se dit-il avec le cœur qui battait encore la chamade.
Il secoua la tête, respira un grand coup et ouvrit la portière sans arrêter le moteur, faisant pénétrer le froid dans l’habitacle. Sans prendre le temps de mettre son anorak, il descendit et fit le tour du véhicule après avoir vérifié le pare-chocs.
Il n’avait rien percuté. Il l’aurait senti, mais sait-on jamais.
Il continua d’observer scrupuleusement la carrosserie du mieux qu’il le pouvait dans ces circonstances, c'est-à-dire en pleine nuit et sans lampe.
À première vue, il n’y avait aucun signe d’un impact quelconque. Les pneus étaient un peu chauds bien sûr, il ne saurait en être autrement après un tel dérapage, mais aucun n’était crevé et il n’y avait pas de trace d’huile ou d’essence sur le sol.
La brume s’était encore épaissie, empêchant Évan de distinguer quoi que ce soit à plus de quelques mètres. Celle-ci venait même lécher ses pieds, s’écartant à peine alors qu’il avançait de quelques pas.
— Il y a quelqu'un ? cria-t-il en mettant ses mains en porte-voix, plus pour se donner bonne conscience qu’autre chose.
C’est idiot, pourquoi quelqu'un serait-il blessé ?
Il n’eut d’ailleurs que le silence qui lui répondit, un silence pesant qu’il finit par rompre en se raclant volontairement la gorge.
— Vous êtes blessé ?
C’était un moyen de prendre l’avantage sur cette atmosphère froide et lourde, un moyen de contrôler les éléments, mais il ne put s’empêcher de se sentir bête.
Il jeta un œil sur l’arrière de la voiture : le rouge des feux donnait aux traces de boue sur le sol une certaine teinte sang qu’Évan fixa un instant, comme s’il s’attendait à apercevoir le cadavre mutilé d’un jeune auto-stoppeur.
Il entendait déjà la sirène inquisitrice des gendarmes…
Il secoua la tête.
N’importe quoi ! se dit-il à lui-même. Il est temps de rentrer et d’aller se coucher.
Il n’y avait personne et c’était inutile d’insister en restant planté là, en pleine nuit, tout seul et au milieu de la route, surtout si une autre voiture arrivait.
Il tourna donc les talons pour retourner dans le véhicule lorsqu’un bruit léger, mais tout à fait perceptible, se fit entendre.
Crac !
Le son, très léger, venait de s’échapper de la brume, presque étouffé par ses effluves.
Évan s’immobilisa, la tête tournée vers où il lui semblait avoir entendu le craquement.
Sur le coup, il ne voyait rien, même en fronçant un peu les yeux, mais une silhouette fit bientôt son apparition, tel un fantôme sortant de nulle part. Elle se glissa dans les vapeurs blanchâtres et ses pieds apparurent, puis son corps, et enfin son visage.
Représentation théâtre de la nouvelle Liberté retrouvée, au festival Litt'Oral (mai 2023) :